Elodie Jonquoy
Chronique : « Entre deux mondes » d'Olivier Norek
Mon dernier coup de cœur en date
S'il y a bien un roman qui m'a mis une grosse claque récemment c'est celui-ci ! Je ne m'attendais absolument pas à cette histoire en lisant le pitch de la quatrième de couverture qui ne laisse (volontairement bien-sûr) que peu d'indices sur l'intrigue.
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Ma note : 10/10
(ah oui, quand même !)
Intrigue : 10/10
Style d'écriture : 10/10
Immersion : 10/10
C’est avec une plume ancrée dans la réalité qu’Olivier Norek nous dépeint l’atmosphère oppressante de ce bidonville où les réfugiés sont craints par les riverains et les routiers autant qu’ils craignent pour leur avenir incertain. Il nous laisse découvrir toute l’horreur dont les Hommes sont capables aux côtés de toute la bonté dont ils peuvent faire preuve, nous livrant une enquête dirigée par une profonde humanité au service de la justice (pas forcément dans le sens juridique du terme !) dans un contexte social d’actualité que nul ne peut ignorer.
En bref
« Adam à découvert en France un endroit où l’on peut tuer sans conséquences. » Voici le seul indice qu’Olivier Norek nous livre à propos de son 4ᵉ roman à succès. Cet endroit c’est « la Jungle », le plus grand camp de réfugiés d’Europe situé à Calais dans lequel Adam doit rejoindre sa femme après avoir trahi et fui son pays en guerre : la Syrie. Pour échapper à la folie qui le guette alors qu'il attend anxieusement sa famille qui devrait déjà être sur place, Adam endosse un rôle de protecteur envers Kilani, un enfant brisé pour qui la guerre ne s’est pas arrêtée aux portes de la Jungle. Pour mener à bien cette tâche, il aura recours à l’aide de Bastien, un policier avec lequel il partage de multiples valeurs, ce qui lui vaudra de s’attirer de nombreux ennemis au sein de ce No man's land que ses habitants qualifient paradoxalement de refuge.

Un tourbillon d'émotions
Laissez-vous emporter par la traversée périlleuse de la méditerranée à la recherche d’un avenir meilleur, ressentez l’espoir dévastateur d’une Terre promise inaccessible, cherchez le visage de vos proches parmi des milliers d’autres meurtris par la guerre, choisissez vos alliés aussi soigneusement que vos ennemis et, peut-être, vous réussirez à vous échapper. Restez sur vos gardes, car le danger prend diverses formes dans cet Entre deux mondes. Laissez-vous tenter et demandez-vous...
... Survivrez-vous dans la Jungle ?
Et un petit extrait pour la route...
Sept heures de crampes et de froid.
Toutes les cinq minutes, le corps de Nora s'affaissait, son esprit s'embrumait doucement, les paupières lourdes, et d'un coup d'électricité son subconscient la réveillait en sursaut. Elle regardait alors autour d'elle l'absence de tout, dans une nuit d'encre, n'entendant que les souffles grelottants, les vêtements se frottant les uns aux autres au rythme des tremblements et les vagues, toujours plus grandes, monstres invisibles rôdant autour d'eux, mordant parfois la coque, crachant leur écume.
Cinq minutes venaient de passer et, à nouveau, elle se laissa entraîner dans un tourbillon apaisant de sommeil. Mais cette fois-ci, c'est la toux de Maya qui la sortit de sa torpeur. Et immédiatement, une lampe se braqua dans leur direction. Mouvements de corps, grognements. Aveuglée, Nora ne pouvait qu'écouter avec angoisse le bruit qui se rapprochait. Deux bras fondirent sur elle, saisirent l'enfant, d'abord par un bras, hurlement de peur, puis par une jambe, coeur en suspens, avant de l'envoyer frapper l'eau de plein fouet, bazardée comme un sac de lest.
Entre les jambes de Nora, Maya fut prise d'une nouvelle quinte de toux et le passeur comprit qu'il n'avait pas jeté la bonne. L'autre mère se leva, se précipira sur le côté, le haut du corps en équilibre sur le pneumatique du bateau, plongea les mains à tâtons dans l'eau, hurlant le prénom de son enfant que la mer agitée avait déja engloutie. Elle ne sauta pas. Peu-être ne savait-elle pas nager. Elle ne se retourna pas non plus vers le passeur. Peut-être n'en eut-elle pas le courage. Mais elle se rua sur Nora, dont la fille malade lui avait fait perdre la sienne. Elle l'empoigna violemment par les cheveux et l'insulta de toute sa détresse.