Elodie Jonquoy
Chronique : « L'emprise du crabe » d'Isabelle Gottot
J’ai toujours pensé que l’écriture, comme la lecture d’ailleurs, était une excellente thérapie. Le témoignage que je vous présente aujourd’hui vient étayer mes certitudes. « L’emprise du crabe » est un récit écrit raconté, brut, sans fioritures, dont chaque mot transpire la vérité. Une vérité simple, sans jugement, témoignant de l’étroitesse de la frontière entre l’amour et la haine.
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Ma note :
J'ai pour habitude d'attribuer une note aux livres que je lis. En ce qui concerne celui-ci, l'attribution d'une note m'est impossible. Je ne peux pas juger l'histoire, ni le style, ni l'immersion.
Synopsis :
Pendant des années, Isabelle Gottot a été confrontée à la folie de son frère Xavier : « La revanche du crabe sera terrible, je ne vous lâcherai jamais… Jusqu’à ce que vous creviez. »
Elle a subi ses frasques, sa tartufferie, ses manipulations permanentes, sa haine. Pendant des années, pour tenter de faire reconnaître la maladie mentale de son frère, cette terrible paranoïa qui dévore les autres, les proches, la famille, elle s’est heurtée à des murs : administratifs, médicaux, juridiques. Pendant des années, elle a subi « l’emprise du crabe », ses extravagances, ses violences. Ses délires sur fond de pérégrinations insensées et de tracasseries consulaires au Brésil, en Guinée, en Thaïlande, aux États-Unis, ou encore au Portugal.
Mais au-delà de la personnalité troublante de son frère, de son invraisemblable et finalement douloureux parcours personnel dont elle retrace la prégnance et l’absurdité, Isabelle Gotto témoigne.
Tous ceux qui ont été ou sont confrontés à cette maladie de près ou de loin se reconnaîtront dans son témoignage sans fioritures. Dans sa vie tourneboulée. Et sa lutte tenace pour faire comprendre les dégâts de la paranoïa.
En bref :
L’auteure nous relate les dernières années de la vie de son frère Xavier, atteint de paranoïa. Elle nous expose simplement des anecdotes de sa vie, le nombre de fois où elle a été sollicitée par les administrations et consulats pour venir en aide financièrement à son frère alors qu’elle se battait de son côté pour qu’il bénéficie d’une aide d’un tout autre genre : la reconnaissance de sa maladie mentale et l’obtention de soins adaptés à son état.
À propos de l'auteure :
Après la mort de son frère Xavier, Isabelle Gottot, alias Émilie Thomas se rend à l’évidence : il lui faut écrire ce qu’elle a sur le cœur. Transmettre à autrui, ne serait-ce qu’à sa famille, une relique de cette histoire que tous ont subie, comme pour honorer ces épreuves qu’ils ont traversées et se féliciter d’en être enfin arrivés à bout. C’est le cœur léger et l’esprit apaisé qu’Isabelle nous invite aujourd’hui à découvrir une partie de son histoire.
« Ma nièce m'a remerciée d'avoir réussi à faire de cette vilaine histoire une belle. Elle m'a poussée aussi à publier pour faire comprendre la difficulté des familles (qui côtoient de près ou de loin la paranoïa.) »
Mon avis :
J’ai d’abord été intriguée par le titre : le crabe faisant référence, le plus souvent, au cancer. Il y a, effectivement, un rapport avec le cancer : c’est le signe astrologique de Xavier. C’est ainsi que nous retrouvons dans le récit, dans une lettre écrite par Xavier à l’attention d’Isabelle : « La revanche du crabe sera terrible, je ne vous lâcherai jamais, jusqu’à ce que vous creviez ! »
J’ai ressenti ce récit comme un besoin vital d’évacuer la pression accumulée des années durant, la colère réprimée et la déception masquée.
Ce n’est ni romancé ni écrit « pour plaire ». C’est raconté. Avec exemples et preuves à l’appui de l’enfer juridique, médical et administratif qu’ont traversés Isabelle, sa famille et toutes les personnes qui se sont trouvées malencontreusement sur le chemin de Xavier (amis, consulats, médecins, assistantes sociales…)
Des anecdotes fournies en détail qui nous invitent à nous mettre dans la peau d’Isabelle et à nous demander comment nous aurions réagi à sa place.
Ce récit m’a beaucoup plu, mais ce n’est ni le style ni les souvenirs en eux-mêmes qui m’ont séduite. Ce que j’ai vraiment aimé, ce sont les sentiments que ces lignes ont fait émerger en moi. Je ressentais la révolte d’Isabelle face à l’incompétence de tous les services auxquels elle était confrontée, je partageais sa peine, l’amour et le regret, toutes ces émotions qui se sont mélangés dans l’esprit d’Isabelle à l’égard de son frère. J’ai été touchée par tous ces témoignages, ces lettres et mails à profusion émanant d’une multitude d’expéditeurs laissant entrevoir une infime partie, pourtant déjà violente, de ce qu’a vécu l’auteure.
Ma seule déception a été de ne pas retrouver plus d’anecdotes, plus de détails sur leur enfance, le comportement de Xavier à cette époque…
Je recommande particulièrement ce livre à tous ceux qui côtoient des personnes atteintes de pathologies mentales non reconnues ou non diagnostiquées, preuve que malgré la difficulté du combat, l’issue peut tout de même être favorable.
Exceptionnellement, voici non pas un, mais plusieurs extraits:
• « Ma boîte mail fut envahie. Non seulement par les messages de Xavier, mais aussi par ceux de ses pseudos amis ! La messagerie créée spécialement pour lui fut toutefois de bonne initiative, car elle me préserva un peu. J’avais supprimé toutes les alertes et je prenais connaissance de cette “prose” dégoulinante quand je me sentais apte à la lire. Ce fut tout de même compliqué. »
• « Évidemment, je me retrouvais de nouveau au milieu de cette spirale infernale, rappelant mes précédentes démarches auprès des autres services consulaires, et reprenant les mêmes arguments pour expliquer que mon frère avait besoin de soins, et qu’une attestation de leur part relatant les problèmes graves vécus me serait utile pour que je puisse relancer le procureur de la République de la Drôme. la réponse, polie, était invariablement la même :
« Bonjour Madame,
Je vous remercie pour votre message. J’espère que vous arriverez à mettre Mr Cariteau sous tutelle pour son bien lorsqu’il sera de retour en France.
Bien cordialement,
Maëlle Le Sant »
Bref, le minimum syndical et rien de tangible.
Ce genre de courrier me rappelait la phrase de la vice-procureur de Versailles qui m’avait dit un jour, en fin d’entretien : « Madame, je vous plains ! »
La belle affaire ! Moi, j’aurais préféré une aide efficace. Mais non, jamais. Cela n’était pas au programme ! »